Site de rencontres
Projet de cycle Licence, réalisé en 2021, dans le cadre de l’atelier «foule magique», en trinôme avec Clémentine Corbihan et Agathe Lecomte. Sous la direction de Can Onaner, Mathilde Sari et Valérian Amalric.
Le thème de la rencontre amoureuse
Dans notre monde moderne en deux dimensions, l’isolement émotionnel s'accroît à une vitesse effrénée. L’utilisation massive des moyens de communications à distance et notamment des réseaux sociaux, en est une des raisons. La photo aujourd’hui décide. La vie présente sur ces plateformes n’est que mise en scène plate, sans odeurs et sans reliefs, où seul cet espace en deux dimensions peut déterminer une rencontre qui pourrait l’ébranler. Il n’est plus question de regard, de toucher, de sensations ou de charisme, mais d’apparences parfois trompeuses. Ce monde virtuel nous coupe finalement d’expressions émotionnelles dans un contexte physiquement réel. Il produit même un effet inverse, puisqu’il banalise les actes violents, réprimande le vrai, et marchande les relations, réduisant l’humain à l’état de simple consommateur affectif. C’est pour cette raison que nous plaçons notre projet aux antipodes des algorithmes. Nous revendiquons le hasard et les coïncidences et c’est ainsi que nous vous proposons de plonger aujourd’hui, avec nous, dans un univers générateur de rencontres en trois dimensions, de sensations et d’émotions.
Les prémices du projet furent rythmées par le corps comme architecture, la peau comme enveloppe, les seuils comme porte sur l’intimité et le mouvement comme sensation. De Carlo Mollino en passant par Paul Thek, les rituels du quotidien, les sensations des matières et des tissus, ont provoqué chez nous une envie de proposer un projet autour des sentiments, des émotions et en particulier celles suscitées par la relation amoureuse et le désir (voir tableau analogique à droite ). C’est alors que Vénus, mythe du corps et de l’amour, devient notre emblème.
C’est à cette étape que nous découvrons que dans le plus grand des secrets, à partir du XVIIème siècle, de nombreux aristocrates se rencontrent au cœur de « folies » architecturales construites dans les jardins des châteaux. Ces demeures, gardiennes de l’identité de ses visiteurs, étaient construites comme des attrapes-coeurs, dont la finalité était la séduction du ou de la partenaire grâce à un ensemble de mécanismes cachés. Comme un labyrinthe, les pièces guident et perdent, poussent à la curiosité et au défi de résister, faisant ainsi naître graduellement le désir entre les protagonistes de cette balade architecturale aussi hypnotique que séductrice.
Les dispositifs architecturaux
Au travers de dispositifs architecturaux nous avons ainsi imaginé des pièces faisant références aux rites du quotidien, devenus théâtre de la rencontre et de découverte de l’autre. Apparaît alors Vénus, tel un guide parmi les spectateurs, invitant, au travers de deux entrées distinctes, les voyageurs à passer le seuil d’une porte épaisse et chargée. Les décors défilent et s’imposent, l’atmosphère change de couleur, de son et d’odeur. Telles des attrape-cœur, chaque pièce, de l’entrée, en passant par la salle de bain, la cuisine ou bien la chambre, sont conçues pour susciter le désir par l’expérience du débordement de matières. À cette étape du projet, nous avons expérimenté un effeuillage de l’architecture qui s'est par la suite traduit par un changement d’état, à l’image de masque dont l’on se déleste au fur et à mesure de la traversée.
Les cartoucheries
Telle la carte de Tendre, nous avons imaginé le site de la Courrouze comme une représentation topographique de la pratique amoureuse (voir carte en axonométrie en haut de la page). Le quartier est divisé en différentes contrées dont les failles représentent un idéal difficile à atteindre. En contrebas, un jardin d’Eden où la nature foisonnante serait véritable et sans artifices, s’installe dans ces creux pour protéger le site de Vénus, emblème, appelant les visiteurs à se rendre aux cartoucheries, ancien site militaire dédié à la fabrication de munitions, devenu le site de rencontre.
Le site de rencontres
Chaque premier vendredi du mois, deux visiteurs peuvent se présenter face au labyrinthe. Le mécanisme de la porte ne s’actionnera qu’en présence de deux individus de part et d’autre de l’entrée. Il n’existe aucune règle concernant le genre ou l’âge de ces derniers, mis à part la majorité. À l’inverse, l’expérience est rythmée de consignes et d’un temps limité au sein de chaque pièce. Tout au long de cette séquence architecturale, le corps est détenu dans une trajectoire scindée en deux. Chacun marche l’un à côté de l’autre, sans jamais se découvrir entièrement. Des fragments de ces corps s’apprivoisent au détour d’un mur ou d’une paroi. Les visiteurs traversent des pavillons, tantôt couverts, tantôt à l’extérieur. Telle une lettre d’amour ou une déclaration enflammée, le voyageur se voit envoûté par des mécanismes magiques prenant vie à travers les images, les matières, les sols, les murs, les meubles et les accessoires. L’expérience une fois terminée, les deux êtres désirés décident ou non, de prolonger leur rencontre au sein d’une maison attenante au labyrinthe. Cette dernière accueille des voyageurs, au nombre de huit, pouvant poursuivre un désir amoureux naissant sur une durée de trois ans. Bien sûr, comme l’amour, cette expérience ne doit pas être vécue comme un enfermement, c’est pourquoi chaque participant peut choisir de la quitter à tout moment par le biais de portes dérobées.
Bande dessinée relatant l’expérience d’un visiteur au sein du site de rencontres